Retour d’expérience : manger local en temps de confinement à Lyon et ses alentours

Introduction

Pour faire face à la crise sanitaire covid19, le confinement a été instauré le 16 mars 2020. S’en est suivi la fermeture des marchés alimentaires le 23 mars 2020, bouleversant les pratiques des producteurs, commerçants et mangeurs qui doivent trouver des alternatives pour respecter les règles de distanciation physique tout en poursuivant leurs activités respectives. De la fourche à la fourchette, les pratiques des uns et des autres ont ainsi évolué pour s’adapter à ce contexte sans précédent. Des acteurs issus de la société civile se sont organisés très vite : certains producteurs ont déployé de nouvelles formes d’approvisionnement pour permettre aux mangeurs et mangeuses de continuer à se nourrir en local tout comme les commerçants qui ont été réactifs pour faire face aux nouvelles mesures de sécurité tandis que des restaurateurs ont mis à disposition leur lieu (fermé pendant le confinement) pour accueillir des drives de producteurs. Dans un même temps, des initiatives citoyennes ont émergé ou se sont amplifiées pour permettre aux plus fragiles d’accéder à des denrées alimentaires. D’autres ont vu le jour pour favoriser le report vers de nouvelles pratiques d’achat en vue de soutenir la production locale. Ce fut notre cas avec la création et mise en ligne d’un site internet comprenant une carte contributive qui a recensé et mis en visibilité les moyens de manger local à Lyon et ses environs pendant le confinement. Réalisée en partenariat avec l’association Zéro Déchet Lyon, les données présentes sur la carte ont été enrichies au fil des heures puis des jours et sont accessibles sous format ODBL (1). En 24 heures après sa mise en ligne (soit le 28 mars), plus de 1 000 personnes s’étaient connectées sur le site internet. Au 4 mai, ce sont plus de 51 000 visites, 650 solutions référencées et des témoignages informels recueillis côtés producteurs et mangeurs qui ont mis en avant l’impact positif de cet outil sur leurs pratiques respectives. 

Pour aller plus loin et face à cet engouement, nous avons initié une démarche de recherche exploratoire pour comprendre et analyser les pratiques, les points de tension et les adaptations qui ont été mises en place par les mangeurs et mangeuses de produits locaux (2) en temps de confinement à Lyon (sont-ils habitués ou bien s’agit-il de nouvelles pratiques d’approvisionnement ? Quelles ont été leurs motivations ? Dans quelle mesure ces pratiques alimentaires s’inscrivent-elles dans le prolongement ou en rupture de leurs trajectoires alimentaires ?). 

31 entretiens semi-directifs ont ainsi été menés du 29 avril au 11 juin auprès d’habitant•es qui ont eu recours (en partie) à des produits locaux pour se nourrir pendant le confinement. 

L’objectif : appréhender les représentations et pratiques des mangeurs de produits locaux en temps de confinement ainsi que les conditions favorables à l’édification et au maintien de pratiques alimentaires “durables”(3).

La démarche employée

Étant dans une approche exploratoire, nous avons choisi d’utiliser une méthode qualitative pour envisager de manière fine les vécus des mangeurs dans ce contexte de confinement.  Par ailleurs, cette recherche se veut participative dans le sens où les membres de l’association (pour la plupart novices dans ce genre de pratiques) ont été invités à prendre part au projet tant dans la collecte des données que dans l'analyse ou encore la valorisation des résultats. Nous avons également intégré les regards d’acteurs « traditionnels » de la recherche avec les apports d'Émilie Lanciano (Socio-économie - Université Lyon 2), de Frédéric Martinez (Psychologie Sociale - Université Gustav Eiffel) et de Nicolas Fieulaine (Psychologie Sociale - Université Lyon 2) pour venir éclairer nos questionnements avec leurs approches.

Pour accéder facilement au public cible, une partie des entretiens s’est déroulée en situation d’approvisionnement (4), c’est-à-dire lorsque les personnes étaient sur leur lieu d’achat (paniers en point relais, AMAP, magasins) de manière à les interroger in situ. D’autres ont eu lieu à distance par téléphone (5) lorsque le recrutement s’est opéré via les réseaux sociaux ou le bouche à oreille. 

Au final, 10 membres de l’association ont pris part à la passation des entretiens. Deux séances d’analyse collective en présence de Frédéric Martinez ont eu lieu les 12 et 29 mai. Un approfondissement et une synthèse de l'analyse ont été réalisés par la suite. 

Retour sur...

Qu’ils et elles soient débutant•es ou habitué•es, intermittent•es ou puristes, nous nous sommes intéressé•es aux mangeurs et mangeuses de produits locaux en situant la place qu’occupe le “local” dans leurs pratiques et à la façon dont le confinement est venu influencer celles-ci. 

Choix et préoccupations alimentaires

Le fait de se procurer puis de manger certains aliments se justifie par des soucis, des préoccupations à la fois personnelles, sociales et environnementales. Parfois combinées, parfois distinctes, ces préoccupations se sont actualisées en contexte de confinement. Ce processus d’actualisation nous indique la façon dont les mangeurs résolvent des situations devenues problématiques pour eux (Lamine, 2016). 

En voici quelques-unes ayant émergé ou bien devenues plus saillantes pendant la première période de confinement (printemps 2020). 

  • Préoccupations sanitaires

Les préoccupations sanitaires sont de deux ordres et les choix alimentaires produits par les personnes s’inscrivent dans des stratégies motivationnelles distinctes : 

👉éviter de : il s’agit d’éviter les lieux de distribution pour minimiser les risques de contamination. 

Je suis moins allé en grande surface pour des questions liées à la crise sanitaire, de craintes, fondées ou pas.

“C’est simple, au début j’ai fait mes courses comme tout le monde au supermarché et puis je me suis rendu compte que c’était l’angoisse. Ce qui était angoissant, c’était au début, on voyait tout le monde avec les masques et puis il y en avait qui faisaient attention et puis d’autres pas du tout attention, c’était pas un moment très agréable quoi. Une ambiance un peu pesante.

👉aller vers :  pour certains, l’incorporation de certains aliments peut jouer un rôle de protection (6). Se tourner vers des produits locaux ou biologiques est une manière de faire face aux potentiels risques liés au virus covid19. 

Ah ben qu’il soit bon et sain…. C’est vrai que je fais beaucoup plus attention en ce moment à ce que je mange.”  

“Je fais peut-être un peu plus attention au niveau de la qualité des produits comme on est dans une situation un peu délicate et fragile au niveau de la santé.”

  • Préoccupations gustatives

Pour certains, il est important de prendre plaisir à déguster certains aliments en cette période particulière. L’acte alimentaire constitue alors un acte de réconfort. 

Je vais essayer de varier au niveau de la qualité des produits et puis surtout que les produits qu’on achète puissent être agréables à déguster”.

Qu’il s’agisse d’un souci sanitaire ou gustatif (donc utilitaire ou hédoniste), ces deux formes de préoccupation sont plutôt personnelles (orientées vers soi). 

  • Préoccupations sociales : soutien aux producteurs

Au-delà des motivations orientées vers soi, le contexte inscrit aussi davantage le choix des mangeurs et leurs justifications dans une perspective altruiste qui se traduit par le soutien aux producteurs locaux. 

Aujourd’hui je préfère manger mieux et moins. Je préfère payer un peu plus pour avoir des produits un peu moins grandes surfaces. Que ce soit juste pour aider les producteurs locaux.” 

“On sauve les producteurs, les vaches continuent à faire du lait et la campagne des belles salades.

  • Préoccupations environnementales

Des préoccupations plus larges portées sur la protection de la “biosphère” de façon générale sont également mises en avant.

 “Et puis moi ce qui m’intéresse le plus au-delà du bio et ce que je n’avais pas avant, c’est le côté local en fait. En réalité, je trouve que c’est bien de faire attention à ce qu’on mange pour son corps, pour soi mais je trouve que c’est encore plus important de faire attention à ce que ce ne soit pas du bio qui vient de Côte d’Ivoire, c’est bien gentil mais je n’en veux pas (...) Pour moi c’est un tout. C’est difficile de prendre soin de moi si au niveau social et écologique, on ne fait rien, on va même contre. 

Par ailleurs et bien que contextuels, ces soucis s'inscrivent dans des trajectoires alimentaires qui sont le produit d’histoires, de transmissions et d’influences familiales, sociales et culturelles. Nous avons émis l’hypothèse qu’il existait, dans les trajectoires alimentaires des mangeurs, une forme de processus qui décrit les différentes phases d’un changement de pratiques en faveur d’une alimentation durable. Ce parcours est parfois décrit de façon explicite par les interviewés eux-mêmes.

"Je dirai que c’est prioritairement pour des raisons de savoir ce qu’on mange en fait et de santé, et de bien-être, ça a vraiment commencé par ça. Et puis dans un deuxième temps, ça a été pour des raisons environnementales. Au début ça a été pour moi de me dire que je n’ai pas envie de manger des trucs dégueu avec plein de produits chimiques et après je me suis dit qu’au-delà de ce que j'ingurgitais, de ce que je mettais dans mon corps, bah la partie écologique, la pollution de la Terre, la pollution de l’eau, l’agriculture intensive et puis le non-respect du travail humain, l’industrialisation de tout ça voilà. L’idée c’est vraiment d’avoir une démarche respectueuse de l’humain et de l’environnement. D’être dans un truc vertueux plutôt que d’être dans un truc qui exploite et qui surconsomme. Et puis de réfléchir à ce qu’on mange aussi quoi. "

Aujourd’hui ça va vraiment être la provenance et la saisonnalité des aliments. Manger local et manger de saison c’est un peu la même chose mais oui ça va être avant tout la provenance. Parce que pendant longtemps il y avait la question du bio, aujourd’hui c’est vraiment plutôt l’impact environnemental qui me préoccupe. La distance parcourue par les aliments que je mange qui a remplacé pour moi l’importance de la qualité des ingrédients qui restent évidemment très importante mais aujourd’hui je préfère manger des aliments non label bio que des aliments qui proviennent, les haricots verts du Kenya qu’on trouve au Monoprix en bas de chez moi par exemple. “

Au sein de ce parcours, on voit les différentes formes de soucis énoncés plus haut apparaître à certaines phases du changement. Suite à des mises en tension entre préoccupations personnelles et préoccupations sociales, elles sont parfois délaissées, parfois renforcées et combinées pour maintenir certaines pratiques et initier de nouvelles. 

Ce processus de changement de pratiques a tendance à glisser de raisons centrées sur le “moi” (je fais ça pour ma santé par exemple) pour aller vers des raisons plus interdépendantes (je fais ça pour les producteurs, la biodiversité, l’économie locale, les conditions de travail...). 

Exemple d’un processus de changement de pratiques alimentaires sur le long terme en faveur d’une alimentation durable (7)

  1. je prends conscience des impacts sanitaires de mon alimentation

  2. je me dirige vers des produits bio qui me semblent bon pour ma santé

  3. je me questionne plus largement sur l’alimentation et me rends compte que - bien que le bio ait un impact positif sur ma santé -  je ressens un inconfort psychologique car le bio n’est finalement pas toujours synonyme pour moi de protection de l’environnement (par exemple : dissonance cognitive apparaît car le champ psychologique (8) s’agrandit)

  4. je me tourne de plus en plus vers des produits locaux, souvent en agriculture raisonnée plutôt qu’en bio issu de l’agro-industrie (et vers le zéro déchet). 

  5. j’engage autrui en sensibilisant mon entourage

“J’étais en train d’en faire installer dans nos bureaux, il y a un parc dans un espace ou il y a plusieurs espaces de bureau donc du coup on était en train de mettre un compost.

C’est toi qui a pris l’initiative de le faire ? (intervieweuse) 

Oui, trop contente, je suis trop fière, ça a été un long combat”.

Ces différentes phases (9) (très très schématiques !) de changement de pratiques ont pu être relevées lors des entretiens auprès des personnes qui avaient cheminé sur un temps long (plusieurs années). 

Alors moi, je consomme bio depuis une bonne dizaine d’années je dirai et je suis dans une démarche de zéro déchet depuis quatre, cinq ans. Je ne fais plus du tout mes courses en supermarché depuis un certain temps, trois, quatre ans. Dans mon quotidien normal, je fais mes courses que sur le marché ou dans des magasins qui revendent des produits locaux et quasiment exclusivement bio. Du coup, c’est comme ça que je fonctionne depuis très longtemps donc le confinement n’a pas changé, si ce n’est que c’est plus compliqué de me déplacer et le marché c’est devenu très vite impossible.

Du côté des personnes qui se sont tournées vers une alimentation plus durable lors du confinement (N=5) (10), il nous a paru intéressant de voir si ce processus pouvait s’appliquer dans un contexte particulier comme celui-ci ou si d’autres formes de préoccupations et de leviers ont favorisé ces nouvelles pratiques alimentaires. Bien évidemment, la réponse est complexe puisqu’elle se situe à l’intersection de ces questionnements ! Dans ce petit panel, les situations alimentaires sont hétérogènes et les raisons qui ont poussé à se diriger vers une alimentation différente de celle habituelle sont variées. Ces raisons sont avant-tout le produit du contexte singulier du confinement qui : 

  • a été propice à la réflexivité (prendre du recul sur ses pratiques) du fait notamment du rapport au temps qui n’était plus le même. Les personnes interviewées précisent avoir eu le temps de se poser des questions, de prendre de la distance par rapport à leur façon de faire les courses, les repas, etc. 

  • a produit et alimenté des attentes sociales fortes puisque les discours - des médias et dans les réseaux sociaux - associés au confinement et à la crise se sont tournés vers l’importance du local, d’une souveraineté nationale.

  • a été facilitant puisqu’un certain nombre de services/initiatives ont favorisé un plus grand accès à une alimentation durable (livraisons de paniers producteurs à domicile, communautés en ligne pour se partager des ressources, etc) ou que l’entourage proche pouvait constituer un fort levier de changement 

Compte tenu de ces différents éléments contextuels, nous proposons de nous pencher sur les préoccupations alimentaires de ce sous-échantillon et faire un parallèle avec le processus de changement de comportement mis en lumière précédemment. 

Pour deux d’entre elles, la première phase de changement (“prise de conscience”) s’est produite lors du confinement.

Personne A

Alors ça a changé, ça fait un peu cliché mais pendant le confinement j’ai eu une prise de conscience, déjà parce que j’ai eu le temps parce que je bosse quand même pas mal, je suis médecin, je bosse un peu à fond. Et je vais toujours au supermarché sans me poser la question avant le confinement, vraiment sans me poser aucune question. Pendant le confinement, j’ai plus de temps, donc je me suis dit que je vais utiliser la carte BelleBouffe (...) Avec la pandémie, je pense après c’est un peu difficile de dire ça mais c’est vrai qu’on se prend une claque quand même. On ne consomme pas bien et après, ça permet d’avoir le temps de réfléchir à tout ça et voilà je pense qu’en fait acheter des fruits et légumes qui ont fait des kilomètres sans se poser la question. Et vraiment ça avant, je ne faisais pas trop gaffe, ça ne me posait pas trop de soucis et je me dis que c’est peut-être aussi de nous enfin des consommateurs que ça part. J’avais des notions mais après les mettre en pratique, je t’avoue que je sortais du boulot, c’est pratique d’aller au supermarché sans se poser de question. Là du coup j’ai eu le temps de mater mille documentaires, des trucs de Yann Arthus Bertrand, tu as envie de manger trois xanax une fois que tu les regardes. En fait je me dis finalement j’étais un peu mieux dans mon ignorance (rires), j’étais plus tranquille.

Personne B

“Je me suis confiné, on était quatre avec mes potes et on tournait. Au début, on allait chacun son tour par deux à Carrefour Part-Dieu à côté de chez moi pour ne pas aller trop loin. On a commencé à faire ça et acheter tout là-bas pendant le premier mois. Après on a un peu changé vers la fin du confinement, avec mon coloc on a commencé à acheter nos légumes dans les magasins bio qui étaient à côté de chez nous. Du fait du confinement, on s’est mis à manger plus de légumes. On en avait marre d’acheter les trucs chez Carrefour donc on allait dans les magasins bio acheter nos légumes. Avant on ne le faisait jamais. Quand tu commences à en manger beaucoup et plus que d’habitude, tu as un côté où ce n’est pas des bons légumes, c’est un peu nocif. On s’est dit qu’on allait manger des meilleurs légumes, de meilleure qualité. 

Nocifs dans quel sens ? (intervieweuse)

Nocif dans le côté OGM, moins naturel et quand tu commences à manger la peau, c’est pas hyper sain. Au-delà des légumes, on a commencé à acheter dans des magasins plus diversifiés genre aller chez le boucher, acheter nos légumes à cet endroit. (...) Le plus important, ce serait d’abord pour mes intérêts personnels, que ce soit bon pour ma santé donc tout ce qui est prix, je m’en occupe pas forcément.”

Pour les 3 autres qui ont initié de nouvelles pratiques alimentaires, les personnes n’étaient pas au même “stade” de changement que les deux précédentes puisque certaines pratiques avaient déjà été mises en place (avant le confinement) :

  • l’un s’approvisionne en produits biologiques dans des GMS traditionnelles (11)

  • les 2 autres avaient initié des pratiques d’achat de produits locaux via des services numériques puis les avaient abandonnées plusieurs années auparavant pour des raisons économiques. 

Personne C

“Et puis moi ce qui m’intéresse le plus au delà du bio et ce que je n’avais pas avant, c’est le côté local en fait. En réalité, je trouve que c’est bien de faire attention à ce qu’on mange pour son corps, pour soi mais je trouve que c’est encore plus important de faire attention à ce que ce soit pas du bio qui vient de Côte d’Ivoire, c’est bien gentil mais je n’en veux pas. C’est pas que j’en veux pas mais c’est mieux que du pas bio qui vient de Côte d’Ivoire mais finalement je suis bien plus penché, finalement je n’avais pas du tout cette possibilité là en allant dans les grandes surfaces. (...) En réalité, le fait de produire local, de consommer local, il n’y a aucune question à se poser dans le sens où c’est sûr que c’est mieux pour la planète et c’est sûr qu’il faut que ce soit dans de bonnes conditions quand même mais par rapport au bio, si c’est du bio qui vient de l’autre côté du globe, je vois pas bien l’intérêt de manger bio. Pour moi c’est un tout. C’est difficile de prendre soin de moi si au niveau social et écologique, on ne fait rien, on va même contre. (...) Je suis plus embêté pour la planète que pour mon corps humain.“

Ce témoignage conforte notre hypothèse à propos du processus de changement de comportements alimentaires dédié à l’alimentation durable avec le basculement de raisons centrées sur soi associées aux produits biologiques à des raisons plus interdépendantes associées à des produits locaux. 

Pour les deux autres, les pratiques sont directement orientées vers l’achat de produits locaux mais les préoccupations diffèrent sensiblement. Pour l’une, elles sont orientées vers des enjeux personnels puisqu’elles renvoient à la qualité sanitaire et gustative des aliments ainsi que le prix. 

Personne D

Pour moi la fraîcheur est un élément essentiel du produit. Le goût forcément des fruits et légumes. Et après on ne va pas se mentir, forcément les produits locaux sont toujours meilleurs (...) Les prix, parce que du coup en supermarché les fruits et légumes c’est devenu démentiel pour des trucs dégueulasses alors qu’en passant en direct par les producteurs, en tout cas celui que j’utilise n’a pas du tout abusé. Je me demande même s’il n’a pas fait des soldes entre guillemets je sais pas donc il n’y a pas photo par rapport à la qualité, forcément on ne peut pas lutter face à la qualité des produits du producteur. Simple de livraison, tarifs corrects.

Pour l’autre, les raisons sont d’ordre sanitaire et d'ordre social (soutien aux producteurs). 

Personne E

“Je voulais vraiment essayer de réduire le plus possible mes déplacements à zéro. Du coup, je me suis dit La Ruche qui dit Oui, au moins je commande tranquillement et après je vais chercher, en plus j’avais envie de manger un petit peu mieux. (...) Aujourd’hui je préfère manger mieux et moins. Je préfère payer un peu plus pour avoir des produits un peu moins grandes surfaces. Que ce soit juste pour aider les producteurs locaux”. 

Ces cinq témoignages nous indiquent que les préoccupations peuvent être plutôt orientées vers soi ou autrui. Certains montrent que le processus linéaire, présenté plus haut et dessiné à partir des expériences des personnes qui ont des trajectoires alimentaires qui s’orientent vers une alimentation durable, n’est pas forcément valable. Des attentes sociales propres au contexte de Covid ont parfois primé et conditionné en partie le processus de changement des pratiques. Les environnements facilitants, c’est-à-dire porteurs de ressources nécessaires pour permettre aux personnes d’agir, ont eux permis un passage à l’acte rapide en redonnant du contrôle (donc du pouvoir) aux habitant•es puisqu’il leur paraissait plus facile de réaliser certaines pratiques désirées mais empêchées. 

Et l’autre réflexion, bah à la Biocoop il y a des énormes panneaux avec écrit que c’est local quoi. (...) Et voilà. Sachant qu’au début, ce n’était pas l’objectif initial. L’objectif initial c’était de me dire bah là je vais tout trouver en bio. (...) C’est vraiment ce côté étiquetage où en fait j’ai vu ces étiquetages locaux et je me suis dit c’est trop bien.” (personne C)

“Je pense quand même parce que je me suis fait tout un monde de la cuisine, je ne cuisinais vraiment pas du tout mais par contre j’avais l’impression que ça ne me plaisait pas, j’avais jamais rien, aucune épice, aucun truc et là vraiment je cuisine midi et soir pendant le confinement parce que j’ai du temps et voilà”. (personne A)

Cependant certains témoignages peuvent être considérés comme prototypiques (B, C, D voire E sans compter les témoignages de notre échantillon global), ils renvoient à notre hypothèse : le changement commence d’abord par des soucis centrés vers le “moi” pour s’agrandir au fil du temps. Des facteurs situationnels vont venir faciliter ou au contraire freiner l’adoption de nouvelles pratiques. 

Pour aller plus loin, il serait intéressant de creuser empiriquement ces questionnements en termes de processus de changement de pratiques alimentaires dans une perspective de durabilité. 

Réflexivité, littératie alimentaire et transmission sociale

Les différents soucis s’inscrivent dans une forme de réflexivité alimentaire : le contexte de confinement a provoqué une remise en question des conduites alimentaires habituelles ce qui a entraîné une mise à distance des manières de faire. Les attitudes réflexives ont constitué un terreau favorable à la prise de conscience et l’émergence de pratiques tournées vers une alimentation plus locale et/ou biologique (ou au maintien et renforcement de pratiques déjà en place). Les attitudes réflexives ont ainsi facilité une “décristallisation” des habitudes et donc impacté les pratiques alimentaires des personnes. 

“Je me suis dit de toute façon on n’a pas le choix on est confiné alors soit on est dans son lit et on ne fout rien soit on en profite pour changer ses habitudes que ce soit alimentaires ou professionnelles ou personnelles, ça allait dans un ensemble”. 

Par ailleurs, cette réflexivité était plus facile à mettre en œuvre parce que le rapport au temps et les rythmes de vie des personnes ont évolué. 

C’est une espèce de re-centration, un truc plus simple, qui soit plus naturel. Et puis de maîtrise aussi. Je trouve qu’il y a beaucoup ça pendant le confinement. Tu as du temps et tu es chez toi donc tu prends le temps de te poser des questions sur des trucs que tu ne traites pas forcément d'habitude. Sur instagram, les gens ils disent, je me suis mis à la guitare, nous c’est passé par la bouffe.” 

Au-delà d’une réflexivité alimentaire “contextuelle”, nous avons aussi fait le constat que la majeure partie des personnes interviewées était dotées d’une certaine culture alimentaire ou littératie alimentaire (12).

Concrètement, quand tu arrives à lire et comprendre la liste des ingrédients qui font l’aliment, ça veut déjà dire que c’est bon. Si tu as plein d’additifs ou de choses comme ça, que tu comprends un petit peu moins, voilà”. 

Cette littératie alimentaire découle de divers agents de socialisation comme les parents par exemple. 

Si c’est quelque chose que j’ai l’habitude de faire, notamment chez mes parents, c’est quelque chose qu’on fait beaucoup. Je suis originaire de la Drôme Provençale donc une région ou c’est quand même facile de trouver des fruits et des légumes bio et de saison donc c’est quelque chose pour lequel je suis très sensibilisé de façon personnelle”. 

Par ailleurs, le confinement a également constitué un moment propice à la transmission de certaines compétences et savoir-faire alimentaires et culinaires. Certains parents évoquent ce qu’ils et elles transmettent à leurs enfants pendant ce temps de confinement.  

En plus, on a une petite fille et lui faire découvrir des produits de saison c'est pas mal. Aussi l’avantage des paniers (parfois c’est un inconvénient) parfois on voit des fruits et légumes auxquels on avait pas forcément pensé. Y a des semaines où c’est bof, y a des semaines où c'est sympa. Et la petite ça lui fait découvrir des choses.

Ils et elles contribuent ainsi à leur apporter une certaine culture alimentaire. Par exemple, une mère apprend à ses enfants à cuisiner et à distinguer producteurs et revendeurs sur les marchés (dans ce cas précis, la mère détient un certain capital culturel et social). 

J’ai fait davantage cuisiner mes fils. Ils savent faire des trucs mais enfin ils sont paresseux. Surtout je leur ai appris à cuisiner au quotidien. Eux ils sont très à dire “ce soir c’est nous qui faisons la cuisine” mais bon c’est une fois de temps en temps et ça prend toute l’après-midi. Je leur dis “faire la cuisine” c’est tous les jours, c’est se dire “tiens qu’est-ce qu’on mange dans 4h?” Il faut aller voir l’ensemble du placard, avoir de l’imagination, avec ça qu’est-ce que je fais. Enfin bref, j’ai passé un peu de temps à mon éducation culinaire puisque mes fils étaient à la maison, confinés évidemment. Donc ça m’a permis de mettre un peu l’accent là-dessus

Au-delà d’une culture alimentaire pré-existante ou transmise pendant le confinement, ce contexte a aussi favorisé le développement de nouvelles compétences et savoir-faire culinaires. 

Pendant le confinement, je tente beaucoup plus de nouvelles recettes parce que j’ai le temps, ça m’intéresse. Et je travaille des ingrédients que je n’ai pas forcément travaillés avant ou que je ne connaissais pas.”  

Finalement, pour notre échantillon, ce contexte a plutôt favorisé la réappropriation de son alimentation. Des personnes ont fait le choix de et sont parvenues à se tourner vers une alimentation plus locale ou ont maintenu des pratiques déjà existantes. C’est un contexte qui a permis de prendre ce temps, de favoriser une certaine réflexivité, d’initier des pratiques peu habituelles, de transmettre des savoirs à ses proches (13)

Les stratégies d’approvisionnement 

Quelques éléments introductifs 

Les moyens de s'approvisionner sont multiples, c’est-à-dire que les mangeurs font leurs courses dans différents lieux en fonction des types d’aliments qu’ils et elles souhaitent se procurer. Pour certaines denrées, il semble évident qu’elles soient issues de productions locales et/ou biologiques (les produits frais tels que les légumes et fruits) tandis que pour les autres formes de denrées, cela n’a pas la même importance en fonction des types de mangeurs. Les produits secs et les produits frais sont ainsi peu souvent achetés aux mêmes endroits. Par ailleurs, les achats peuvent se faire en ligne et hors ligne.

Bien que ces pratiques d’approvisionnement soient diversifiées, elles semblent moins variées et moins fréquentes pendant le confinement et se situent à proximité des lieux d’habitat. "Oui, j’essaie de faire un petit peu de stock pour une semaine, de tenir une semaine pour éviter d’avoir à sortir.".

Côté finance, une partie des personnes accorde une plus grande part de leur budget aux achats alimentaires notamment parce qu’elles ont moins de dépenses qu’auparavant (absence de sortie au restaurant par exemple). Il s’agit de se “faire plaisir” d’aller vers des lieux et produits auxquels elles n’étaient pas ou peu habituées et qui leur semblaient chers en temps “normal”. Par ailleurs, une partie des répondants met en avant et critique la hausse des prix de certaines denrées, que ce soit dans les grandes surfaces ou les paniers de producteurs.

Itinéraires des mangeurs et mangeuses

Nous avons souhaité aller plus loin que ces premiers constats pour identifier les stratégies d’approvisionnement mises en place par les mangeurs. L’analyse des entretiens nous a permis de mettre en avant quatre profils types représentants les itinéraires opérés pour se procurer à manger.  

  • Les (quasi)inchangés (37%)

Ces mangeurs n’ont connu que peu de changements dans leur manière de s’approvisionner. Certains d’entre eux ont dû renoncer aux marchés, ils ont donc choisi de concentrer leurs pratiques d’achat dans le magasin - proposant des produits locaux, bio/raisonnés et vrac - qu’ils avaient l’habitude de côtoyer. D’autres ont cherché le producteur qu’ils avaient l’habitude de fréquenter afin de pouvoir poursuivre leurs achats auprès de celui-ci lorsqu'il avait mis en place un point de retrait. Enfin, d’autres encore n’ont connu aucun changement puisque les lieux de distribution qu’ils avaient pour habitude de fréquenter ont été préservés (AMAP, magasins proposant des produits locaux, bio et vrac, magasins de producteurs). 

  • Les transformés (27%)

Ces mangeurs ont la particularité d’avoir initié et intégré de nouvelles formes d’approvisionnement à celles plus anciennes. Il ne s’agit pas de délaisser l’une pour aller vers l’autre mais d’un processus de transformation qui va s’inscrire dans une temporalité plus longue que le confinement. Cet enrichissement des pratiques est rendu possible par le contexte du confinement qui leur a permis de franchir le cap en prenant le temps de tester de nouvelles sources d’approvisionnement dont ils avaient connaissance, qui leur donnaient envie voire qu’ils avaient adoptées par le passé mais qui, à l’époque, ne les satisfaisaient pas totalement. La majorité d’entre eux (60%), a adhéré à une AMAP, un autre s’est initié au magasin de producteurs tandis que d’autres ont eu recours à des paniers de producteurs (pour l’un, un point de retrait, pour l’autre via une plateforme en ligne).  

  • Les testeurs sous contraintes (20%)

Ces mangeurs de produits locaux se sont vu privés de marchés. Le marché est un lieu d’approvisionnement chargé d’affects : il leur “manque” et ils ont hâte d’y retourner une fois le confinement passé. Différents choix temporaires ont été opérés pour pouvoir se fournir en fruits et légumes locaux pendant le confinement : adhésion éphémère à une AMAP, achat de paniers de producteurs dans un point de retrait éphémère, achat au sein d’un magasin de producteurs ou d’un magasin proposant des produits locaux, bio et vrac près de son habitat.  

  • Les nouveaux locavores (17%) (14)

Ces mangeurs ont (radicalement) changé leur manière de s’approvisionner. Alors qu’ils avaient pour habitude de se rendre principalement dans les supermarchés “traditionnels” de la grande distribution et ne consommaient que très rarement voire pas du tout de produits locaux, le confinement a constitué un contexte propice au changement de comportements. Ils ont initié de nouvelles pratiques en choisissant de se tourner vers une alimentation plus locale et biologique : supermarché bio, achat de paniers de producteur dans un point de retrait éphémère ou livré à domicile. 

Connaissance des moyens d’approvisionnement

La connaissance des systèmes de distribution, présentés dans les différentes stratégies adoptées par les mangeurs, s’est produite par trois canaux distincts : 

👉internet : qu’il s’agisse de sites ou de communautés en ligne (existantes ou émergentes), il est le médium le plus utilisé pour trouver AMAP, paniers de producteurs en point relais, etc.

Google, j’ai tapé “AMAP Vieux Lyon” et voilà.

J’avais trouvé sur la page des Marchés Solidaires”.  

👉la spatialité de l’offre alimentaire : le recours à certains services s’est fait puisqu’ils se trouvaient à proximité géographique du lieu d’habitat. 

👉l’entourage (voisins, collègues, familles, amis): l’entourage exerce une forte influence dans le recours à un système d’approvisionnement. 


Bien sûr, la connaissance d’un lieu/moyen d’approvisionnement peut aussi se faire par le croisement de ces différents canaux  : 


Je connaissais son existence car je passais devant, c’est sur mon trajet quand je rentre chez moi quand je sors du métro. Donc j’avais déjà vu qu’il y avait des paniers, je savais qu’il y avait une AMAP ici. Et je ne m’étais pas posée la question de son fonctionnement. Mais son existence m’a été rappelée par une collègue de travail qui nous a envoyé un lien vers une cartographie collaborative où on voyait pendant le confinement, au début en tout cas, comment se nourrir local. Donc je connaissais son existence à vrai dire mais elle m’a été rappelée par cette collègue de travail qui l’a envoyée en diffusion à pas mal de gens.”

Manger en confiance et proximité 

Une méfiance consensuelle envers la grande distribution

L’analyse des résultats obtenus révèle de nombreux signes de la fragilité de la confiance dans le rapport des personnes à l’alimentation moderne (Masson, 2011). Beaucoup de répondant•es ne font pas confiance aux GMS et décrivent certaines pratiques des acteurs agro-industriels qu’ils et elles considèrent comme néfastes. Cette défiance envers la grande distribution ne se traduit pas toujours en actes puisque les mangeurs racontent qu’ils n’ont pas forcément la possibilité de trouver des solutions alternatives accessibles pour se procurer à manger. Certain•es citent même les contradictions qui les animent (en matière d’attitudes VS pratiques effectives) et la culpabilité que cela peut engendrer chez eux.

Manger local pour manger en confiance

Cette méfiance accordée à la grande distribution se ressent fortement lorsqu’il s’agit de produits frais vendus dans les GMS. Ces aliments ne sont pas “bons” à manger biologiquement mais également symboliquement tandis que les aliments locaux sont désirés et incorporés avec plaisir par les mangeurs, ils leur font “du bien”. Le bien n’est évidemment pas à entendre d’un point de vue purement nutritionnel mais bien d’un point de vue multidimensionnel avec une forte valence identitaire. L’incorporation de produits locaux permet l’expression de valeurs et est le signe d’un attachement socio-spatial. La proximité physique des producteurs permet aux produits locaux d’être bons. 

Et après on ne va pas se mentir, forcément les produits locaux sont toujours meilleurs.”

Les personnes achètent et mangent en confiance grâce à cette notion de proximité : proximité avec le vendeur, avec l’épicerie et/ou le producteur. La confiance placée dans les commerçants et/ou les producteurs se communique ainsi au produit (Masson, 2020). 

On fait plus confiance à ce genre d'associations qu'à des grandes surfaces pour ce qui est des produits frais. Et puis on préfère les produits locaux régionaux plutôt que des fruits et légumes qui viennent de je ne sais où je ne sais comment. Puis au moins ça fait vivre les producteurs du coin, c'est plus intéressant. Si avec les grandes surfaces, les producteurs pouvaient s'en mettre autant dans les poches et puis on sait d’où ça vient et puis c’est bon.”

La surveillance et la nécessité de contrôler ce que l’on mange diminue donc avec le sentiment de proximité puisqu’elles sont déléguées à l’épicier ou au producteur qui constituent les acteurs sociaux à qui les mangeurs font confiance. 

S’il n’y a pas en vrac, je vais peut-être regarder un peu plus la composition mais je fais confiance à 3 P’tits pois. Je sais qu’ils travaillent de façon très réfléchie, et ils essayent de savoir au maximum quelle est la source de ce qu’ils achètent. Ils passent par des réseaux qui cherchent à aller dans le local et dans le bio. Je pense que si on trouve quelque chose qui n’est pas bien à 3 P’tits pois, on ne le trouvera pas mieux autre part.”

Les dimensions du bio et du local

Les entretiens ont permis de révéler les répertoires associés aux notions d’alimentation biologique VS d’alimentation locale. On constate parfois une complémentarité, parfois une opposition entre le “local” et le “biologique”. Ceci dépend de la valeur attribuée par le mangeur à chacun de ces aspects. Le caractère local d'un produit est très souvent plus important à considérer que son caractère biologique (notamment lorsqu’il s’agit de produits biologiques achetés en supermarché). Quand on demande aux personnes interviewées ce qui est le plus important pour elles lorsqu’elles s’achètent à manger, elles établissent une sorte de classement à partir de critères qu’elles formulent de manière explicite. Dans ce cas, le critère biologique apparaît souvent après le critère local. 

C’est vrai que si ça peut être à la fois bon, bio et local bah tout va bien. Mais je dirais que la proximité, c’est presque plus important, proximité et bon. Le bio je le mettrais au second rang peut-être” 

Le bio est avant tout associé à la santé puisqu’il renvoie davantage à la qualité des aliments d’un point de vue sanitaire qu’à un aspect écologique. Les produits bio des grandes surfaces peuvent être perçus négativement car ils apparaissent comme étant peu écologiques vu les distances qu’ils parcourent (les personnes parlent souvent de produits bio qui traversent le globe avant d’arriver au supermarché près de chez eux). Le coût monétaire des produits bio peut également être exprimé. Lorsque c’est le cas, les produits bio sont considérés comme étant chers donc peu accessibles (économiquement et symboliquement).

Le local recouvre différentes dimensions. Celles-ci sont plus nombreuses que le “biologique” et obtiennent une valence plus positive : 

  • écologique (réduire l’impact environnemental)

  • économique (soutien aux agriculteurs)

  • proximité socio-spatiale (on se sent plus proche des producteurs, maraîchers = distance physique faible et distance interpersonnelle réduite)

  • qualité (goût et santé) 

  • proximité identitaire : relation qu’entretiennent les consommateurs avec le magasin et/ou le producteur et les valeurs qu’ils représentent

  • coût monétaire (tantôt peu cher tantôt vécu comme excessivement cher). 

  • plaisir (goût et convivialité)

Lorsqu’on s’intéresse de plus près au périmètre géographique (attribué par les mangeurs) qui sous-tend le caractère local d’un produit, celui-ci fait référence à une aire plutôt régionale (15)

La place du numérique dans les pratiques alimentaires 

Des services numériques publics, privés et citoyens ont tenu une place importante pendant la période de confinement.

  • Identifier les sources d’approvisionnement 

    • Le site de la Ville de Lyon 

      Le site de la Ville de Lyon a été cité à plusieurs reprises. Il a notamment permis aux habitants d’identifier les points de collecte organisés par les producteurs habituellement présents sur les marchés (16)

    • La carte interactive BelleBouffe - Zéro Déchet Lyon 

      Le service numérique collaboratif a également été utilisé par certains interviewés pour identifier les sources d’approvisionnement se situant à proximité de leur lieu d’habitat. 

  • S’informer, partager et commander : le cas des réseaux sociaux

    • Facebook et ses communautés existantes ou émergentes 

Une partie des personnes interviewées se sont appuyées sur des communautés (groupes Facebook) en ligne pour pouvoir s’informer, identifier les producteurs (ou revendeurs) et partager des informations avec les autres membres de la communauté. Ces groupes en ligne pouvaient être fréquentés avant le confinement (des groupes de quartier comme “Croix-Rousse Solidaire” par exemple). “C’est ma copine qui l’a vu sur internet parce qu’elle est sur un groupe Facebook d’habitants de la Croix-Rousse quelque chose comme ça” ou pendant le confinement après qu’ils aient émergé (ex : Marchés Solidaires 69). 

On peut imaginer que ces communautés (existantes ou émergentes) - issues d’une plateforme privée - ont rempli une fonction économique en favorisant les échanges marchands (BtoC), une fonction sociale puisqu’elles ont créé et/ou entretenu des liens de sociabilité et d’entraide entre habitants, et une fonction démocratique puisque ce sont des citoyens qui se sont organisés collectivement pour reprendre la main sur les systèmes de distribution des aliments. Pour les groupes tels que Marchés Solidaires, ils ont aussi favorisé un soutien et une reconnaissance sociale des mangeurs vers les producteurs. Ils ont aussi offert un cadre facilitant le recours à des produits locaux puisque les usages de ces plateformes préexistaient au confinement et les ont rendus plus accessibles (17)

  • Acheter en ligne 

    • Des sites de commande et d’achat : 

Certaines personnes utilisaient déjà ou se sont mises à utiliser des sites et applications pour faire leurs achats (La Fourche, Too Good To Go, Potager City, La Ruche qui Dit Oui, Maréchal Fraicheur, Ma ferme en Ville). Lorsque le recours à des sites en ligne est nouveau, celui-ci permet aux répondants de diminuer les risques associés à la crise sanitaire (18).

  • Cuisiner 

Pour ce qui est des pratiques culinaires, des personnes ont eu recours à internet pour trouver des recettes en ligne. Cette recherche d’idées est d’autant plus flagrante : 

  • que le nombre de plats à confectionner et manger chez soi était plus important qu’en temps “normal”. 

  • qu’une bonne partie des mangeurs s’est retrouvée avec des aliments proposés via les paniers de producteurs. Ces aliments n’étant pas choisis par les personnes, il fallait s’en accommoder et trouver des moyens de les consommer. 

Je fouine pas mal de recettes. Je cuisine énormément donc j’avoue que j’ai une bonne gymnastique dans ma tête de me dire tiens avec ça je pense à des choses, je vais faire une poêlée de légumes, je peux faire telle chose parce que je cuisine pas mal. Donc pour moi, ce n’est pas une catastrophe. Vous m’auriez appelé quatre ans en arrière, je vous aurais dit au secours parce que je ne savais cuisiner que des pâtes. Justement j’ai des voisins qui me disent oulala mais des blettes, mais qu’est ce que j’en fais. Mais je les comprends je suis passée par là. Donc voilà les paniers de légumes, y en a qui ne les prennent pas parce qu’ils ne savent pas quoi en faire. Moi ça ne me pose pas de problème

Pratiques culinaires

Se faire à manger : vécu positif et pratiques accrues

Les personnes interviewées ont l’impression d’avoir eu plus de temps pour cuisiner. “On cuisine vachement plus parce qu’on a le temps.“ La majorité dit avoir plus cuisiné qu’auparavant qu’il s’agisse de novices en la matière ou pas. La confection de plats faits-maison est ainsi beaucoup plus importante qu’hors confinement.  Pour les novices, certaines appréhensions et attitudes négatives préexistaient dans le fait de cuisiner mais elles ont été levées grâce à :

👉La dimension sociale (dynamiques de groupe positive et soutien social) : certaines personnes ont vécu le confinement en couple ou en colocation. Des dynamiques collectives se sont articulées autour du temps des repas (confection). Chargées d’affects positifs, elles ont par exemple permis le partage de savoir-faire entre membres d’un foyer. 

On préparait la bouffe tous ensemble et on mangeait, on cuisinait, tu fais une pâte à quiche, tu fais ta sauce de salade, des trucs que je ne faisais jamais avant. Tu fais un gratin, une salade de riz. Tu prends du temps pour cuisiner, moi je détestais faire ça avant. Maintenant je le fais plus, ça me plaît bien, j’aime bien le faire. Avant ça ne m’intéressait pas plus que ça et maintenant, j’aime bien. Ma mère me donne des recettes, c’est le truc qu’avant, je m’en foutais des recettes.” 

👉La dimension temporelle : les rythmes de vie et le temps vécu n’étaient plus les mêmes. Les personnes ont ainsi “pris le temps” de s’essayer à la cuisine. Ce temps accordé à la cuisine était propice à déconstruire les représentations que les personnes pouvaient se faire de la cuisine et a permis le développement de connaissances et compétences culinaires au fil de l’eau (ce qui a augmenté leur sentiment d’auto-efficacité et motivation à cuisiner).

👉La dimension socio-spatiale : internet et les réseaux sociaux facilitent l’accès à des ressources (recettes de cuisine par exemple) et la construction de nouvelles normes autour de la cuisine.

Finalement, l’acte de cuisiner est vécu positivement par toutes les personnes interviewées. 

Paniers or not paniers ?

En fonction des modalités d’approvisionnement opérées - notamment le recours aux paniers de producteurs - les pratiques culinaires sont bouleversées. Comme dit plus haut, certains aliments consommés ne sont pas “choisis” par les mangeurs, il faut alors s’en accommoder et trouver des moyens de les consommer. Ce bouleversement peut constituer un changement de paradigme : le choix des aliments à consommer ne se fait plus à l’acte d’achat (voire en amont) mais dans la conception du repas.

 “Oui, avant je faisais ma liste de courses en fonction du planning que j’avais prévu au niveau des plats que j’allais cuisiner alors que là, je fonctionne à l’inverse, je cuisine en fonction de ce que me livre le producteur. Ça se fait franchement, ça se fait bien. C’est quelque chose qui me semblait impossible avant mais on s’adapte. C’est sûr que là on est forcément obligé de respecter les saisons, voilà quoi. On va pas faire un petit plat avec des poivrons en ce moment. Voilà donc il y a quand même des petites recettes qui manquent du coup, parce qu’on cuisine pas mal exotique en plus. Mais on y arrive quand même. Vous voyez dès qu’il y a les courgettes qui arrivent, je vais faire un couscous.”

Pour certaines personnes, cela ne pose pas de problème de ne pas connaître à l’avance les produits qu’elles ont achetés via des paniers de producteurs. Cette nouvelle configuration d’achat est vécue positivement et mobilise la créativité des mangeurs qui s’adaptent à un contexte nouveau pour cuisiner leurs aliments. “Le changement c’est que quand on est avec un système de panier, on choisit pas tout en fait. (...) C’est pas grave, ça demande un peu plus d’imagination.”

Pour d’autres, cela peut sembler plus compliqué, elles préfèrent garder leur “liberté de choix” au moment de sélectionner les aliments qui seront ensuite cuisinés. 

“AMAP, je ne suis pas pour parce que j’en ai essayé une fois ou deux sur Lyon quand je suis arrivée mais c’est une quantité de choses données et si vous n’aimez pas vous ne pouvez pas changer donc ça ça me dérange parce qu’on m’impose quelque chose, je paye et en plus”

Contrôle alimentaire et maîtrise du corps

Une partie des répondants a mis en place des stratégies de contrôle alimentaire pour garder la maîtrise de leur corps (qu’elles soient qualifiées ou non de régime). Les motivations poussant à la pratique de régime sont plutôt d’ordre esthétique voire de santé. Ces pratiques tentent de prévenir une potentielle prise de poids ou bien au contraire de réguler son poids suite à la prise de kg du fait de l’inactivité physique constatée et/ou des envies de cuisiner et manger. 

Là, en ce moment j’essaye de faire un régime, enfin un rééquilibrage alimentaire parce que je me dis que j’ai le temps de cuisiner et de faire attention aux quantités. Donc oui j’essaye de faire plus de cuisine mais sans en faire trop non plus. Donc en fait j’essaye d’équilibrer la partie plaisir et le côté santé. Depuis le confinement je fais hyper attention à ça, c’est pour ça que je consomme beaucoup plus de fruits que je pouvais consommer avant. Je me dis que c’est le moment de faire attention parce qu’en plus on se déplace beaucoup moins donc il faut réduire son apport calorique tous les jours. J’essaye de faire des choix plus stratégiques sur ce point-là. C'est ça mon principal changement. Au début du confinement, je faisais plein de gâteaux, je cuisinais plein de choses, je faisais tout quoi. Quand je faisais des burgers, je faisais le pain, enfin je faisais tout. La je me suis un peu calmée parce que je me suis dit qu’il fallait que je fasse un peu attention. (...) Je fais plus des choses simples, je fais des salades. Là quand il pleuvait j’ai fait des soupes, j’évite certains aliments qui ont un apport important en calories. C’est juste parce que là je suis dans cette démarche-là, à côté mais sinon je continue à cuisiner mais je le fais juste différemment.”. 

Quelques personnes ont également effectué des jeûnes pour des raisons semblables. Avec ces différentes pratiques, on voit comment l’ordre social pénètre les corps : un ordre diététique issu des discours et images véhiculés autour de la santé et de l’esthétisme (Durif-Bruckert, 2017) qui prescrivent des pratiques d'auto-régulation. 

Réduire la viande, augmenter les légumes

Certaines personnes (des hommes) qui avaient pour habitude de manger de la viande se sont mis à réduire leur consommation de viande ou à la supprimer totalement pour des raisons d’ordre sanitaire ou écologique. Par ailleurs, une majorité de répondant•es a précisé avoir augmenté sa consommation de légumes. 

Du fait du confinement, on s’est mis à manger plus de légumes. Là on était obligé de manger tout le temps tous ensemble la même chose et des trucs, on s’est dit qu’il valait mieux manger le plus sainement possible donc on a commencé à acheter des légumes. On s’est mis à manger mieux et cuisiner plus aussi.

Le plaisir, un fondamental

Les mangeurs confinés ont décrit leur alimentation en termes de plaisir et de convivialité (19). Au-delà d’un plaisir individuel, qui peut être procuré par la préparation et l’incorporation de produits locaux “Je prends beaucoup de plaisir à avoir des fruits et des légumes qui ne viennent pas de loin et c’est vrai que c’est assez plaisant.” le plaisir recouvre une dimension sociale forte. Dans les immeubles ou au sein des foyers, des rituels alimentaires sont mis en place ou perdurent pour :

👉se procurer à manger. Par exemple, une personne a endossé un rôle clé pour permettre à son voisinage d'obtenir des paniers de producteurs de façon hebdomadaire. Chaque samedi, la réception des paniers est attendue avec impatience par les différents protagonistes de l'immeuble. Dans ce cas, le plaisir apparaît à plusieurs niveaux : le plaisir gustatif et qualitatif attribué aux produits locaux mais aussi le plaisir d’être ensemble et de faire ensemble (émotion collective forte). 

Pour le coup, y en a plein qui disent que justement ça alors, le confinement c’est dur mais par contre qu’est ce que c’est top d’avoir des bons légumes livrés chez soi. Ça c’est un des points positifs du confinement. Et puis comme on dit en ce moment, on se fait plaisir par la bouffe donc je peux vous dire que ça se fait plaisir, ça se prend un panier, il coûte cher mais c’est pas grave, je me le prends. C’est vraiment, ça a toute son importance, c’est un peu la fête de l’immeuble le samedi quand on est livré. Les gens sont hyper contents.

👉se faire à manger. Pour les personnes vivant en couple ou en colocation, des temps forts autour de la cuisine ont été imaginés et ritualisés.

 “Tous les vendredis on faisait une soirée thématique pour fêter une semaine de confinement donc on en faisait un truc spécial, on choisissait ce qu’on voulait manger et souvent ça dirigeait vers un magasin en particulier.” 

La confection des repas constitue un temps pour se retrouver et prendre du plaisir à faire ensemble. 

Comme tu te concentres plus sur ce que tu vas manger, ça devient plus important parce que ça rythme tes journées. C’est le seul moment un peu convivial. Tu as le temps d’y penser. (...) Les moments de cuisine, c’était les moments où on se retrouvait puisque chacun travaillait dans une pièce donc on se retrouve tous et personne n’est en train de travailler ou faire un truc. C’est la cuisine.” 

👉manger ensemble. Pour les personnes qui ne vivent pas seules, la commensalité (le fait de partager une table à plusieurs) et la convivialité étaient de mise. Être ensemble et partager un repas avec les membres de son foyer, pouvoir découvrir ou faire découvrir des produits que l’on a cuisinés pour ses proches est toujours un élément structurant et fondamental pour les mangeurs. 

Conclusion

Le confinement mis en place au printemps 2020 pour cause de crise sanitaire a constitué un événement inédit. Le caractère inattendu et menaçant de cette situation exceptionnelle apparaît particulièrement propice à la décristallisation des habitudes et au changement de comportement (Lewin, 1947). Dès le 29 avril 2020, dix membres de l’association BelleBouffe ont ainsi investigué la manière dont le confinement est venu bouleverser les pratiques des mangeurs résidant à Lyon et ses alentours proches. Par la force du collectif, les 31 témoignages recueillis et analysés permettent de garder une trace, une mémoire de cet événement inédit. Il en ressort globalement : 

👉des changements d’attitudes et de préoccupations alimentaires propres au contexte de la crise sanitaires. 

👉une diversité de profils et de situations alimentaires nous indiquant que les leviers en matière de changement de pratiques sont multiples et doivent être adaptés à chaque situation. 

👉des enseignements sur les processus de changements de pratiques alimentaires vers une alimentation durable. Les changements se font par étapes à travers des mises en tension entre intérêt individuel et intérêt collectif, intérêt à court terme et intérêt à long terme.  

👉le plaisir et la dimension sociale de l’alimentation restent centrales tant dans les questions d’approvisionnement que de confection et de partage des repas.

Nous avons été marqués par les récits et vécus plutôt positifs des mangeurs et mangeuses quant à leur situation alimentaire de confinement. Cette positivité ressentie à travers notre étude ne doit pas effacer les situations alimentaires subies par un nombre toujours plus croissant d’habitant•es résident•es en France : le recours à l’aide alimentaire explose et les inégalités d’accès à une alimentation de qualité se creusent encore davantage avec la crise sanitaire. Plus que jamais, il paraît essentiel de lutter en faveur d’une société (et donc d’un système alimentaire local et global) plus écologique et solidaire. 

La suite

Initié lors du 1er confinement 2020, BelleBouffe a eu à cœur de poursuivre ce travail réalisé en partenariat avec l’Université Lumière Lyon 2. 

Nous entamons donc la 2ème phase de notre recherche grâce au soutien de trois étudiant•es du Master de Psychologie Sociale Appliquée de Lyon 2 : Evelyne Michaud, Matias Gomez et Solène Caspar qui vont interviewer de nouveaux les personnes interrogées lors de notre première enquête. 

Ensuite, un travail de compilation et de synthèse sera réalisé avec Pauline Remaud du laboratoire Coactis puisque Pauline a effectué une recherche auprès des producteurs et distributeurs de produits locaux de manière à saisir les stratégies d’adaptation que ceux-ci ont employées lors du 1er confinement. Nous y intégrerons également les retours que nous avons recueillis à savoir le témoignage de l’AMAP de l’Alternatibar ainsi que celui de l’Ardab qui concerne des familles inscrites dans le défi “Foyers à Alimentation Positive”. 

Enfin, nous souhaitons organiser un temps de restitution, d’échanges et de partage avec les acteurs publics, privés et citoyens de territoire qui souhaitent alimenter les réflexions. 

Remerciements

Nous remercions chaleureusement :

  • Toutes les personnes que nous avons interviewées, merci à elles pour leurs précieux témoignages,

  • Julien Grouiller, Pauline Pillon, Elise Bury, Mathis Cacheux, Martin Cahen, Maelys Paturle, Aurélien Thomas, Marie Vignes et Raphaël Petiot, l’équipe de bénévoles qui a joué le jeu de la recherche,

  • Pauline Remaud pour son implication, ses retours et les riches échanges que nous avons pu avoir, 

  • Frédéric Martinez pour sa disponibilité et ses retours pédagogiques et constructifs dans les temps d’analyse collective et la relecture

  • Emilie Lanciano pour sa confiance et son soutien 

  • Nicolas Fieulaine pour le temps d’échange que nous avons pu avoir avec lui pour alimenter nos réflexions.

  • Evelyne Michaud, Matias Gomez et Solène Caspar pour la poursuite de ce travail d’enquête à nos côtés. Retrouvez les résultats de leur enquête : https://www.notion.so/Covid-19-Poursuite-d-exp-rience-L-volution-des-pratiques-des-mangeurs-de-produits-locaux-lyonn-0cbed9f0e4aa46ce99f0a4cac9ac0b01

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Notes de bas de page :

  1. La licence ODbL (Open Database License) est un contrat de licence ayant pour objet d’autoriser les utilisateurs à partager, modifier et utiliser librement la présente Base de données initiale tout en maintenant ces mêmes libertés pour les autres (Veni, Vidi, Libri). Nous avons choisi d’ouvrir cette base de données contributive parce que nous considérons ces informations comme étant d’intérêt général.

  2. Nous entendons ici par “produits locaux”, les denrées alimentaires produites dans les +/-50km autour de l’aire métropolitaine lyonnaise.

  3. Concept non stabilisé voire mot-valise, nous entendons ici l’«alimentation durable» en tant qu’ensemble de pratiques, de la production à la consommation de biens alimentaires, économiquement viables, socialement soutenables et écologiquement responsables” (Chiffoleau et Prevost, 2012).

  4. Mode guérilla (Lallemand, 2018) qui consiste à adapter une méthode classique (ici l’entretien semi-directif) pour faire face à des contraintes. Ici : temps à accorder à l’intervieweur par le répondant qui est faible du fait de la situation (contexte d'achat + crainte sanitaire) et du caractère novice de l’intervieweur•euse

  5. Il s’agit d’entretiens approfondis.

  6. Nous reviendrons un peu plus loin sur “la confiance dans l’alimentation qui recouvre deux niveaux : un premier, relatif à la qualité sanitaire des produits ; un second, relatif à la pureté des propriétés symboliques de l’aliment” (Masson, 2011).

  7. Processus qui s’inspire en partie du modèle transthéorique de Prochaska et Di Clemente (1982)

  8. Espace subjectif théorisé par Kurt Lewin qui représente la manière dont nous regardons le monde, avec nos possibilités, nos désirs, nos peurs, nos expériences et nos attentes. “Ce que ce champ ou cet espace psychologique autorise plus ou moins par ses propriétés, c’est la mise en perspective des objets de pensée. La largeur, longueur et profondeur du champ, pour en rester à 3 dimensions, sont autant de propriétés qui, à un moment donné, vont déterminer la position relative d’un objet dans le champ, son interdépendance à d’autres objets, son lien à des intentions dirigées (pourvues de sens). C’est cet espace, dont la configuration subjective est à chaque fois singulière, qui permet que se développent des zones de pertinence, des zones de familiarité, ou encore que se déploient des cheminements intentionnels vers des buts, des aspirations ou des idéaux (Lewin, 1943). Comme l’avait souligné William James (1890), l’intentionnalité ne peut se développer et surtout s’entretenir que si elle dispose d’un espace psychologique dans lequel s’étendre, et de perspectives sur lesquelles se projeter. L’étendue du champ (ou du contexte) psychologique est ainsi essentielle dans la construction de l’individualité et des relations sociales, mais aussi dans le fait que l’acteur, individuel ou collectif, n’agisse pas seulement dans le cadre de sa propre perspective, mais également dans la perspective des autres et particulièrement dans la perspective commune d’un groupe via l’autrui généralisé (Mead, 1932).” Fieulaine et Cadel, 2010 (p.6).

  9. Ce processus de changement de comportements dédié aux pratiques alimentaires durables reste à confirmer avec des études plus poussées.

  10. C'est-à-dire 5 personnes de notre échantillon qui en comprend 31.

  11. Grandes et Moyennes Surfaces

  12. à savoir “la capacité de trouver, de comprendre, d'évaluer et d'utiliser l'information disponible afin de maintenir ou d'améliorer ses habiletés alimentaires et culinaires” (Lemieux, 2014 ; Burgat, 1995 ; Poulain, 2002 cités par Oriange et De La Ville, 2020)

  13. Lors des temps d’échange avec l’équipe de recherche, ceci nous a amené à un constat : peu d’individus semblent en situation de grande précarité dans l’échantillon alors que le recours à l’aide alimentaire explose depuis la première période de confinement. La crise sanitaire a fragilisé davantage les populations qui étaient déjà en situation de vulnérabilité ou a fait basculer dans la précarité les populations qui ne l’étaient pas encore complètement. Pour aller plus loin : Éclairage Covid-19 | De l'aide alimentaire à l'aide humanitaire, récit d'un dérapage social par Dominique Paturel, mai 2020.

  14. ils correspondent aux 5 interviewés cités plus haut

  15. Il peut également faire référence à une aire nationale = manger local, c’est avant tout manger français.

  16. Bien qu’il n’ait pas été cité dans notre recherche, nous avons constaté que le site éphémère créé par la Métropole de Lyon a été utilisé par les habitants pour identifier des systèmes d’approvisionnement puisqu’une partie des utilisateurs de notre carte l’a connue grâce au site de la Métropole.

  17. Nous nous sommes questionné•es sur les fractures numériques (d'accès et d’usages) et leurs incidences sur les pratiques alimentaires. L’accès aux produits locaux des personnes qui avaient l’habitude de faire le marché s’est souvent fait par le recours à des services numériques (carte, groupes Facebook, site de la mairie, etc). Or qu’en est-il des personnes qui n’ont pas accès aux outils et/ou n’ont pas les usages numériques qui leur permettent d’identifier les moyens de s’approvisionner avec des produits locaux (ex : les personnes âgées) ? On peut imaginer que les fractures numériques ont pu créer des fractures d’accès à certains produits alimentaires.  

  18. Voir paragraphe sur les préoccupations sanitaires

  19. La notion de plaisir apparaît en filigrane dans notre analyse